La communauté vietnamienne et la vie politique française


 

Paris, Mai 2012

En cette période électorale chargée, pour nous autres Français d’origine vietnamienne, une question peut se poser : celle de notre participation dans la vie politique française. Beaucoup, à juste titre, la jugent aujourd’hui limitée, alors même que le paysage politique devient plus coloré et plus ouvert aux minorités ethniques que par le passé. Alors même que nous représentons en nombre une communauté non négligeable –entre 200 et 300 000 individus en France-, nous ne parvenons pas à transcrire ce poids démographique en pouvoir politique. Pourquoi ?

Le premier élément de réponse serait de considérer qu’on ne nous l’accorde tout simplement pas, du moins trop peu, par rapport à d’autres communautés. On peut en effet penser que l’inclusion dans la vie  politique des minorités ethniques, qui donne lieu à la diversité politique, est avant tout un geste d’ouverture de la part des principaux partis. La communauté vietnamienne est restée en marge de ce mouvement, sans doute parce que trop silencieuse, pas assez médiatisée ou médiatique, peut-être parce qu’il apparait moins électoral de faire un effort vis-à-vis d’elle.

Autre élément de réponse : nous autres Vietnamiens de France ne voulons pas, ou pas assez fortement, être impliqués dans la vie politique française. Notre participation à la vie politique est trop faible : trop peu de Vietnamiens s’inscrivent au sein de partis politiques français ou se présentent à des élections. Bien intégrés, nous n’avons pas la même force de revendications que celle d’autres communautés en France et sommes moins enclins à vouloir prendre part à la vie politique française. Manque de conscience politique chez les Vietnamiens ? Peut-être, rappelons tout de même qu’on trouve des revendications affirmées et un engagement politique significatif, mais qui aujourd’hui restent encore trop cantonnées à l’amélioration de la situation politique au Vietnam.

Une possible synthèse de ces éléments pourrait être de relier notre faible poids politique à la faiblesse du lien communautaire chez les Vietnamiens de France. Nous semblons souffrir de notre trop rapide assimilation à la société française –fait dont on peut se féliciter, mais duquel résulte à la fois le recul de notre communauté et notre faible présence politique-. Les responsables politiques nous accordent peu de reconnaissance parce qu’on ne nous voit pas comme une communauté suffisamment forte, unie et porteuse de revendications communes. Et nous ne cherchons pas à accroitre notre poids politique parce que nous n’estimons pas indispensable de porter plus haut les revendications de notre communauté.

Surtout, à supposer qu’il nous soit accordé une représentation plus forte, quelles pourraient être nos revendications ? Que souhaiteraient aujourd’hui les Vietnamiens de France ? Bien difficile à énoncer, ne serait-ce que par la richesse des profils qui la composent aujourd’hui. Autre explication possible à notre poids politique limité : Incapables de revendications claires, notre visibilité politique s’en trouve réduite à la portion congrue.

Si l’on devait tout de même extraire quelques revendications, nous pourrions potentiellement mettre en valeur trois grandes thématiques : la première serait un soutien plus fort aux activités qui visent à promouvoir la culture vietnamienne –par exemple via un soutien plus appuyé aux associations à caractère culturelle-. La seconde pourrait concerner la lutte pour la démocratie et la liberté au Vietnam, combat aujourd’hui encore de nombreux membres de la communauté. Enfin, une troisième dimension pourrait être d’aider les nouveaux migrants vietnamiens à s’intégrer en France ; certes moins nombreux que par le passé, il n’en demeure pas moins qu’ils se heurtent aux difficultés d’acclimatation propres à tous nouveaux migrants.

Et, pour toutes ces revendications, notre poids politique marginal nous est préjudiciable, alors même qu’il s’agit là de souhaits tout à fait honorables. En cette période électorale, souhaitons simplement que l’on puisse dans un avenir proche renforcer notre poids politique, ne serait ce que pour être soutenu lorsque nous tentons de faire avancer ces grandes thématiques.

Par ailleurs, en ces temps d’élections libres, ayons également une nouvelle pensée pour ceux qui se battent chaque jour pour établir une démocratie au Vietnam. Profitons de l’occasion pour réaffirmer notre soutien au chanteur Viet Khang et à l’ensemble des démocrates vietnamiens.